Ce qui distingue la poésie
Ce qui distingue la poésie de la parole machinale,
c'est que la poésie justement nous réveille, nous secoue en plein milieu du mot.
Ossip Mandelstam
Coups de cœur
Ce qui distingue la poésie de la parole machinale,
c'est que la poésie justement nous réveille, nous secoue en plein milieu du mot.
Ossip Mandelstam
Quand on est très amoureux, quand on est très amoureux,
C'est plaisant de regarder d'autres couples s'engueuler
Quand on est moins amoureux, quand on est moins amoureux,
C'est énervant de croiser des couples très amoureux
Quand on est très amoureux, quand on est très amoureux,
On pourrait se contenter de quelques mètres carrés
Quand on est moins amoureux, quand on est moins amoureux,
C'est bon de se rappeler qu'on peut dormir à côté
Quand on est très amoureux, quand on est très amoureux,
Il n'y a que l'être aimé digne d'être regardé
Quand on est moins amoureux, quand on est moins amoureux,
Il faut rien exagérer, on va pas se crever les yeux
Quand on est très passionné, quand on est très passionné
On s'émeut d'un petit rien, on est bête on est si bien
Quand on est moins passionné, quand on est moins passionné
Il se peut qu'on se dise « tiens c'est drôle ça me fait plus marrer »
Quand on est très passionné, quand on est très passionné
On vénère son odeur, on respire sa sueur
Quand on est moins passionné, quand on est moins passionné
On peut parfois prendre peur car le corps a ses horreurs
Quand on est très passionné, quand on est très passionné
On adore absolument, on adule entièrement
Quand on est moins passionné, quand on est moins passionné
On peut penser c'est marrant, ça je l'avais pas remarqué
Mais ceux qui s'aiment restent courtois
On dirait même qu'ils ne se lassent pas
Quand on est très amoureux, quand on est très amoureux,
On peut tout abandonner pour l'amour de sa moitié
Quand on est moins amoureux, quand on est moins amoureux,
On préfère y regarder à deux fois c'est plus sérieux
Quand on est très amoureux, quand on est très amoureux,
On se mange dans la main même si on n'a jamais faim
Quand on est moins amoureux, quand on est moins amoureux,
La fringale qui revient nous ramène à nos instincts
Quand on est très amoureux, quand on est très amoureux,
C'est plaisant de regarder d'autres couples s'engueuler
Quand on est moins amoureux, quand on est moins amoureux,
C'est énervant de croiser des couples très amoureux
Et moi qui t'aime avec tout ça
On dirait même que je ne me lasse pas
Jeanne Cherhal
Quelques feuilles, guirlande verte,
Environnent de leur émail
Cette jeune rose entrouverte,
Petite coupe de corail.
Ses pétales aux teintes blondes,
Dont la nacre rose pâlit,
Se frisent et semblent les ondes
Du frais parfum qui la remplit.
Vois-tu, soulevant de son aile
Un nuage de tourbillons,
Voler et tourner autour d'elle
L'essaim naïf des papillons.
Ainsi, pour savourer l'ivresse
Du baume de la volupté,
Mes désirs voltigent sans cesse
- Sans cesse, autour de ta Beauté.
Louis-Xavier de Ricard
Ô toi, si riche, tu donnes des rêves à mes nuits, des chansons à mes matins, des buts à mes jours et des désirs solaires à mes rouges crépuscules. Tu donnes sans fin. Et je m’agenouille et tends les bras pour recevoir ta grâce. Ô toi, si riche ! Je suis tout ce que tu veux. Et je serai esclave ou roi selon que tu t’irrites ou tu souris. Mais ce qui me fait exister — c’est toi.
Cela, je le dirai souvent, très souvent. Mon aveu mûrira, toujours plus sobre et plus simple. Et le jour où je le dirai très simplement, tu le comprendras simplement, et alors notre été sera là. Et il s’étendra au-delà des jours de ton
René
Aujourd’hui, tu viens ?
Lettre de R. M. Rilke à Lou Andreas-Salomé datée de 1897
Sur les collines de l’Ardèche,
L’aube, demi-nue, a frémi...
Je me souviens d’une aube fraîche
Sur Paris à peine endormi.
Nous allions, nombreux, dans cette aube ;
Tour à tour, l’un de nous parlait.
Je me souviens de votre robe,
Quand votre hanche me frôlait.
Je me souviens de votre chambre
Aux rideaux baissés que le jour
Traversait de poussières d’ambre ;
J’entends les oiseaux dans la cour.
Ah ! je me souviens des caresses
De vos bras souples et musclés ;
De votre front parmi les tresses
De vos beaux cheveux écroulés.
Je me souviens de l’aube fraîche...
Mais à quoi bon ? puisque, devant
Les monts paisibles de l’Ardèche,
Je suis seul, au soleil levant !
Jean-Marc Bernard
Je ne veux à l'union de deux âmes sincères
Admettre empêchement. L'amour n'est point l'amour
S'il change en trouvant ailleurs le changement,
Ou s'éloigne en trouvant en l'autre l'éloignement.
Oh non ! il est un phare au regard immuable
Fixé sur la tempête et jamais ébranlé !
Pour tout navire errant il est l'astre qui guide,
Dont on prend la hauteur, mais ne sait l'influence.
L'amour n'est point le jouet du Temps, dont la faucille
Emporte en son croissant les joues et lèvres roses ;
Il n'est pas altéré par les jours, les semaines,
Mais endure et survit jusqu'à la fin des temps.
Si ceci est une erreur, contre moi démontrée,
Nul n'a jamais aimé et je n'ai rien écrit.
William Shakespeare
Juge : Quelle votre profession ?
Brodsky : je suis un poète.
Juge : Mais qui vous reconnaît comme poète, qui vous a enrôlé dans les rangs des poètes ?
Brodsky : Personne. Et qui m’a enrôlé dans les rangs de l'humanité ?
Juge : Avez-vous étudié pour être poète ?
Brodsky : Cela ne s'apprend dans aucune école. Cela est, cela vient de Dieu.
Joseph Brodsky
Où veux-tu que je dépose mes caresses
lorsque la lune est rouge
lorsque mon cri échevelé vient te dire que l'amour fermente sous le lichen
lorsque tu danses près d'un gouffre de lumière
lorsque tu marches sur des plages garnies d'apothéoses et de galets hors saison
lorsque la mer me confie son silence me propose ses regrets comme la terre ses alarmes
lorsque tu ruisselles sous l'écorce de tes nuits inventées
lorsque je traverse le pont de tes rires téméraires
lorsque enfin nos mains fleurissent sous un grand pin argenté
Huguette Bertrand