Aurore
Coups de cœur
- Parle-moi, dit Yseut à Tristan.
- Je t'aime, dit Tristan à Yseut.
- Je sais. Mais c'est tout ? demanda Yseut.
- Je t'aime beaucoup, répondit Tristan.
- Mais encore ? insista Yseut.
- Je t'adore, ajouta Tristan.
- C'est attristant, pensa Yseut.
Michel Deville
Georg Mechior Hoffman "Schlage doch, gewünschte Stunde" vers 1730 aria pour contralto attribuée à Jean-Sébastien Bach. interprétée par Andres Scholl
Un poisson d'avril
Est venu me raconter
Qu'on lui avait pris
Sa jolie corde à sauterC'était un cheval
Qui l'emportait sur son coeur
Le long du canal
Où valsaient les remorqueursEt alors un serpent
S'est offert comme remplaçant
Le poisson très content
Est parti à travers champsIl sauta si haut
Qu'il s'est envolé dans l'air
Il sauta si haut
Qu'il est retombé dans l'eau.
Boris VIAN
Amour, adieu, je prends congé de toi
Amour, adieu, je m'en vais, je te laisse,
Je ne veux plus aimer cette maîtresse
Qui m'a tenu si longtemps en émoi.
Je ne veux plus la voir rire de moi,
S'éjouissant de me voir en tristesse.
Ni son bel oeil, qui m'oeillade sans cesse,
Ni de sa bouche une parjure foi,
Ni sa beauté, de moi tant admirée,
Ni de ses yeux une flèche tirée,
Ne me vaincront pour me rendre encor sien.
Adieu donc, l'oeil, adieu doncques, la bouche,
Adieu, beauté, adieu, flèche sans touche,
Cruelle, adieu, car je ne suis plus tien.
Pierre de BRACH
Le printemps par petites touches
Laurence Amélie Schneider
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
Et tu me diras : " Cherche ! " en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...
Arthur RIMBAUD
"Poète, celui qui fait du ciel un sol, celui qui retourne
et fait basculer l'horizon, celui à qui l'infini donne son impulsion."
Jean-Michel Maulpoix
Oui, femme, quoi qu'on puisse dire
Vous avez le fatal pouvoir
De nous jeter par un sourire
Dans l'ivresse ou le désespoir.
Oui, deux mots, le silence même,
Un regard distrait ou moqueur,
Peuvent donner à qui vous aime
Un coup de poignard dans le coeur.
Oui, votre orgueil doit être immense,
Car, grâce a notre lâcheté,
Rien n'égale votre puissance,
Sinon, votre fragilité.
Mais toute puissance sur terre
Meurt quand l'abus en est trop grand,
Et qui sait souffrir et se taire
S'éloigne de vous en pleurant.
Quel que soit le mal qu'il endure,
Son triste sort est le plus beau.
J'aime encore mieux notre torture
Que votre métier de bourreau.
Alfred de
Musset
Tu nommes l'arbre, fillette
Et l'arbre croît, lent et plein
noyant les airs.
vert éblouissement,
jusqu'à ce que vert soit notre regard.
Tu nommes le ciel, fillette
Et le ciel bleu, le nuage blanc,
la lumière du matin,
se logent dans le coeur
jusqu'à devenir ciel et transparence.
Tu nommes l'eau, fillette
Et l'eau jaillit, je ne sais où,
elle baigne la terre noire,
reverdit la fleur, brille sur les feuilles
et nous change en humides vapeurs.
Tu ne dis rien, fillette
Et naît du silence
la vie dans une vague
de jaune musique;
sa houle dorée
nous élève vers des plénitudes,
nous rend à nous-mêmes, égarés.
Fillette qui me soulève et me ressuscite
Vague sans fin, sans limites, éternelle !
Octavio Paz
Nombras el árbol, niña.
Y el árbol crece, lento,
alto deslumbramiento,
hasta volvernos verde la mirada.
Nombras el cielo, niña.
Y la nubes pelean con el viento
y el espacio se vuelve
un transparente campo de batalla.
Nombras el agua, niña.
Y el agua brota, no sé dónde,
brilla en las hojas, habla entre las piedras
y en húmedos vapores nos convierte.
No dices nada, niña.
Y la ola amarilla;
la marea del sol,
en su cresta nos alza,
en los cuatro horizontes nos dispersa
y nos devuelve, intactos,
en el centro del día, a ser nosotros.
¡Niña que me levanta y resucita!
¡Ola sin fin, sin límites, eterna!