la poésie, c'est...
La poésie, c'est ce qui reprend à la religion son bien.
Yves Bonnefoy
Coups de cœur
La poésie, c'est ce qui reprend à la religion son bien.
Yves Bonnefoy
Marcher
pas et souffle liés
à la pente
les bruits
de la vallée s'effacent
les arbres cèdent leur place
aux rochers fendus
d'un coup d'épée
Suivre un chemin puis un autre
attendre un sommet
sans cesse repoussé
au prochain versant
pente forte, souffle court
éclats des pierres
roulant
sous les pieds
M'accompagneras-tu
dans mon périple ?
pour le plaisir
de découvrir de nouveaux paysages
de retrouver un rythme animal
sur des voies ancestrales
empruntées par les hommes
d'une vallée à l'autre
M'accompagneras-tu ?
Toute tiède encore du linge annulé
Tu fermes les yeux et tu bouges
Comme bouge un chant qui naît
Vaguement mais de partout.
Odorante et savoureuse
Tu dépasses sans te perdre
Les frontières de ton corps
Tu as enjambé le temps
Te voici femme nouvelle
Révélée à l’infini.
Paul Eluard
Yves Klein
Monique (ANT 57)
vers 1960
115 x 96 cm
Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme !
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous! - vous m'avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour.
La contemplation m'emplit le coeur d'amour.
Vous m'avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l'esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l'oeil dans l'herbe profonde,
L'étude d'un atome et l'étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu !
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s'élance,
Et je suis plein d'oubli comme vous de silence !
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel ! -
J'ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère !
Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds,
Ravins où l'on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives !
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime !
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt! c'est dans votre ombre et dans votre mystère,
C'est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m'endormirai.
J’ai dormi au bord
Des anses de ta beauté
Effleurant de mon souffle
tes îles craintives
À demi submergées
Tes collines sauvages
Tes prairies ponctuées
de battements ailés
Les marées impassibles
Ne faisaient que bercer
Ton sommeil assiégé
Par les algues marines
Tes mains avaient goût
De sel et de sable
De même que ton visage
Où tes larmes séchaient
Marcel Dubé
Un bon poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles.
Malherbe
Ma femme sombre aux yeux très clairs
Ma moitié d'ombre et de mystère
Mon amazone - mon frère d'armes
Mon écorchée - Ma dernière femme.
Mon tendre amour d'orange amère
Mon rêve où va mourir la mer
Ma solitude et ma douleur
Ma certitude - ma chaleur.
Mauvais garçon - trafiquant l'art - la manière
Comme deux félins qui font l'amour sans tanière
Tu as des façons de dévorer le plaisir
Qui te font mal avec l'envie d'en finir
Et cette envie - cette obsession - ce désir
Savoir un jour à quoi tu peux bien servir
Cette beauté d'aristocrate déchue
Cette distance qui s'en va seule dans la rue
Qui s'en va seule avec la haine du futile
Cette pudeur à dévoiler le fragile
Tu as des façons de déranger le désir
Une exigence à partager même le pire
Une exigence à partager même le pire
Fille de course vêtue de cuir et de soie
Beauté fatale à dévisser le bourgeois
Mon top modèle qui fréquente pas les agences
Tu as près du coeur une blessure élégante
Tu as près du coeur une blessure élégante
Mon tendre amour venue du large
Ma moitié d'ombre dans la marge
Mon grand secret aux rites étranges
Ma courtisane au regard d'ange
Ma dernière femme aux yeux très clairs
Mon rêve où va mourir la mer
Sous ton armure - au fond de l'âme
Cette blessure - ma dernière femme
Bernard Lavilliers
Elle vit sa propre main apparaître au-dessus de la petite colline
que formaient ses fesses qu’elle commença à caresser.
Son autre main glissait entre ses jambes et elle la voyait par-derrière dans le miroir.
De cette main, elle se caressait le sexe d’avant en arrière. Son majeur pénétra en elle
et elle le fit aller et venir. Elle eut soudain envie d’être prise des deux côtés à la fois
et de glisser son autre majeur entre ses fesses. En remuant d’avant en arrière,
elle sentait tour à tour les deux doigts comme cela lui arrivait parfois
lorsque Martinez et un ami la caressaient en même temps.
L’approche de l’orgasme l’excita, elle se mit à faire des gestes convulsifs,
comme pour attraper le dernier fruit d’une branche ;
tirant, tirant sur la branche pour faire éclater le tout en un orgasme sauvage,
qui l’envahit alors qu’elle se regardait dans la glace,
et voyait ses mains actives, et le miel briller, mouillant tout son sexe
et ses fesses, entre les jambes.
Anaïs Nin
Venus Erotica / 1940