Printemps.
J'aime comme une fleur,
j'aime comme un oiseau.
J'aime si doucement que
l'amour s'en étonne;
Et les jeunes printemps
viennent dans mon automne
Refléter leur beauté comme
le ciel dans l'eau.
Iwan Gilkin
Coups de cœur
J'aime comme une fleur,
j'aime comme un oiseau.
J'aime si doucement que
l'amour s'en étonne;
Et les jeunes printemps
viennent dans mon automne
Refléter leur beauté comme
le ciel dans l'eau.
Iwan Gilkin
Connais-moi si tu peux, ô passant, connais-moi !
Je suis ce que tu crois et suis tout le contraire :
La poussière sans nom que ton pied foule à terre
Et l'étoile sans nom qui peut guider ta foi.
Je suis et ne suis pas telle qu'en apparence :
Calme comme un grand lac où reposent les cieux,
Si calme qu'en plongeant tout au fond de mes yeux,
Tu te verras en leur fidèle transparence...
Si calme, ô voyageur... Et si folle pourtant !
Flamme errante, fétu, petite feuille morte
Qui court, danse, tournoie et que la vie emporte
Je ne sais où mêlée aux vains chemins du vent.
Sauvage, repliée en ma blancheur craintive
Comme un cygne qui sort d'une île sur les eaux,
Un jour, et lentement à travers les roseaux
S'éloigne sans jamais approcher de la rive...
Si doucement hardie, ô voyageur, pourtant !
Un confiant moineau qui vient se laisser prendre
Et dont tu sens, les doigts serrés pour mieux l'entendre,
Tout entier dans ta main le cœur chaud et battant. -
Forte comme en plein jour une armée en bataille
Qui lutte, saigne, râle et demeure debout;
Qui triomphe de tout, risque tout, souffre tout,
Silencieuse et haute ainsi qu'une muraille...
Faible comme un enfant parti pour l'inconnu
Qui s'avance à tâtons de blessure en blessure
Et qui parfois a tant besoin qu'on le rassure
Et qu'on lui donne un peu la main, le soir venu...
Ardente comme un vol d'alouette qui vibre
Dans le creux de la terre et qui monte au réveil,
Qui monte, monte, éperdument, jusqu'au soleil,
Bondissant, enflammé, téméraire, fou, libre!...
Et plus frileuse, plus, qu'un orphelin l'hiver
Qui tout autour des foyers clos s'attarde, rôde
Et désespérément cherche une place chaude
Pour s'y blottir longtemps sans bouger, sans voir clair...
Chèvre, tête indomptée, ô passant, si rétive
Que nul n'osera mettre un collier à son cou,
Que nul ne fermera sur elle son verrou,
Que nul hormis la mort ne la fera captive...
Et qui se donnera tout entière pour rien,
Pour l'amour de servir l'amour qui la dédaigne,
D'avoir un pauvre cœur qui mendie et qui craigne
Et de suivre partout son maître comme un chien...
Connais-moi! Connais-moi! Ce que j'ai dit, le suis-je ?
Ce que j'ai dit est faux - Et pourtant c'était vrai !
L'air que j'ai dans le cœur est-il triste ou bien gai ?
Connais-moi si tu peux. Le pourras-tu ?... Le puis-je ?...
Quand ma mère vanterait
À toi son voisin, son hôte,
Mes cent vertus à voix haute
Sans vergogne, sans arrêt;
Quand mon vieux curé qui baisse
Te raconterait tout bas
Ce que j'ai dit à confesse...
Tu ne me connaîtras pas.
Ô passant, quand tu verrais
Tous mes pleurs et tout mon rire,
Quand j'oserais tout te dire
Et quand tu m'écouterais,
Quand tu suivrais à mesure
Tous mes gestes, tous mes pas,
Par le trou de la serrure...
Tu ne me connaîtras pas !
Et quand passera mon âme
Devant ton âme un moment
Éclairée à la grand-flamme
Du suprême jugement,
Et quand Dieu comme un poème
La lira toute aux élus,
Tu ne sauras pas lors même
Ce qu'en ce monde je fus...
Marie Noël
Ma poésie est vive comme le feu,
elle glisse entre mes doigts comme un rosaire.
Alda Merini
Je te donne un corps fait de baisers
sculpté de caresses
hâlé de soleil
qui désire
qui embrasse
et jouit
je te donne deux bras
je te donne des mains
des doigts
je te donne deux jambes
je te donne un nid
je te donne un dos
je te donne
je te donne
une âme
Maram Al-Masri
Souffle le vent d'automne
Nous sommes vivants
Et pouvons nous voir
Toi et Moi
Basho
Elle marchait, et elle savait vers quoi. C'était ça l'important. Une sensation merveilleuse. Quand le destin finalement s'entrouvre, et devient chemin visible, trace indéniable, et direction certaine. Le temps interminable de l'approche. Ce moment où l'on accoste. On voudrait qu'il ne finisse jamais. Le geste de s'en remettre au destin. C'est une émotion, ça. Plus de dilemmes, plus de mensonges. Savoir où. Et y aller. Quel qu'il soit, ce destin.”
Alessandro Baricco,Océan Mer
Le matin
T’est donné,
Ne le prend pas
Comme un dû.
*
La terre ne tournerait plus,
Le soleil ne tournerait plus.
Ce serait donc
Pour toujours le matin ?
*
Ne vous trompez pas,
Dit le matin,
Le cosmos existe
Et vous en êtes.
*
Au matin
La terre
Devient plus autonome
Dans l’univers.
*
Le matin
Ne paraît pas devoir
Déboucher
Sur midi.
Il promet
Autre chose.
*
L’horizon est heureux
De ce nouveau matin,
Le matin est heureux
De toucher l’horizon.
*
Est-ce que le matin
A cisaillé la nuit ?
Ou bien l’a dissoute
Comme fait un liquide ?
*
La mer, la terre
Vont devoir
A partir du matin
Servir de miroir
Au soleil.
*
La terre
Voudrait savoir
Eviter de frissonner ainsi
Dans le matin.
*
Il y a
Ce qui sépare.
Le matin
Tend à approcher.
*
Le matin
Aurait pu
Eclater
Comme une torpille.
*
Le matin
N’est pas une roue.
Il ne tourne pas
Sur lui-même
Pour avancer.
*
Le matin
Est explorateur.
Il ne couvre
Que pour découvrir.
*
Le matin
Ne fissure pas.
Ce qu’il veut
C’est englober.
*
Le matin
Pousse la lumière
A s’étonner
De ce monde.
*
Le matin
Aime annoncer
Une belle journée
*
Le matin
Ne déçoit
Que ceux
Qui n’aiment pas la nuit.
*
Le matin,
La lumière
Croit toucher ma main
Pour la première fois.
*
On en voit le matin
Qui ne saluent pas
Cette irruption de bleu.
*
Le matin
Il y a un silence
Coloré
Par les lointains.
*
Le matin
On peut croire
Que le soleil
Prêche son utopie.
*
Le matin
Ne clame pas
Qu’il veut nettoyer
Le monde.
*
Le matin
N’est pas toujours sur de lui.
Il recule parfois
Devant sa tâche.
*
Le matin
Dit qu’il essaiera.
Tout
Ne sera pas tenu.
La fatigue
N’est pas de mise.
Je m’accrocherai
Rumine le matin.
e m’accrocherai
Tant que je pourrai.
*
Le matin
Pourtant s’installe
Comme s’il devait
Ne pas finir de durer.
*
Ce matin
Que le soleil
Avait envie
De flageller.
*
Ce matin
Etait pourchassé,
Il s’est caché
Dans la pluie.
*
Pour voyager
Pas besoin de bouger.
Regarder près et loin
Dans le matin.
*
Le matin
Connaît sa grammaire,
Respecte à peu près
La syntaxe.
*
Le matin est un peu
Comme le feu dans la cheminée
Quand il s’attaque
Au menu bois.
*
On peut rêver
De matin plus impétueux.
Pourvu qu’il n’y ait pas
De gesticulation.
*
Celui-ci ne sera
Qu’un matin
Dans le probable infini
Des matins.
*
La roche
A le pouvoir
D’ignorer qu’au-dehors
Vient le matin.
*
Que pas un arbre
Ne s’envole.
Le matin
A besoin de tout.
*
La pomme
Toujours étonnée
D’être la même et pas la même
Dans le matin.
*
Le matin convient
Aux mollets nus
Des garçons et des filles.
*
Dans les villes, dans les champs
Les oiseaux
Disent au matin
Ce qu’il fait pour eux.
*
Chaque matin
Est pour l’oiseau
L’anniversaire
De sa naissance.
*
Est-ce que la sève
Monte plus fort
Quand le matin
Se proclame ?
*
Les racines
Sont informées
Du travail
Que fait le matin ?
*
Au matin
Les branches
Cherchent à se tendre plus
Vers l’horizon.
*
Pendant la nuit
Chaque feuille était seule.
Au matin,
Elle se retrouve en compagnie.
*
Le matin
Toute la musique
Des buissons muets.
*
Le matin
Les fougères
Se regardent
Se saluent.
*
Jour après jour,
La cime des sapins
Est plus désireuse
De se trouver
Dans le matin.
*
Le matin
Se plaît plus
Au duvet
Qu’aux rémiges.
*
Le matin
N’est pas sans tendresse
Pour la rose
En train de passer.
*
Le matin
Ne s’occupe guère de l’étang.
Il le laisse encore
A sa nuit.
*
Le matin
L’eau qui court ou qui dort
Retrouve son pouvoir
De s’ouvrir à elle-même.
*
Le matin
Voit les rivières
Couler contentes
De leur présent.
*
La ville
A besoin du matin
Pour croire
Qu’elle peut exister.
*
Ce n’est pas
Le matin qui dira
Il y a trop d’oiseaux
Dans les villes.
*
Le coq du clocher
Retrouve au matin
Son don et son devoir
De vigilance.
*
« On s’en tirera »,
Déclare au matin
Le cochon de lait.
*
Dans la cuisine
L’accord conclu
Entre le bassin de cuivre
Et le matin.
*
On voit que le matin
Ne regrette pas
D’être venu.
*
Un matin
Qui n’en a pas l’air,
Mais qui a vécu
L’histoire de la terre.
*
Chaque matin
Comme il signifiait :
Attention ! peut-être
Que je suis le dernier
*
Quand le matin
Se regarde et se voit
Il arrive
A son embouchure
*
Le matin
Est aussi un fleuve
Qui enfle et va crever
Dans la verticale de midi ;
*
Le matin
Se sculpte lui-même,
Pas besoin
De modèle.
*
On ne peut pas parler
Du passage du matin.
A quel moment
N’est-il plus là ?
*
Certains matins
Rien ne bouge.
Même le temps
Ne se cherche pas.
*
Du matin
Sur l’hôpital,
Aussi
Sur l’hôpital.
*
Il a échappé
A la nuit.
Ne lui fait pas,
Toi, matin,
Plus de mal.
1982
Eugène Guillevic