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Coups de cœur
Qu'autres que vous soient désirées
Qu’autres que vous soient désirées,
Qu’autres que vous soient adorées,
Cela se peut facilement ;
Mais qu’il soit des beautés pareilles
À vous, merveille des merveilles,
Cela ne se peut nullement.
Que chacun sous telle puissance
Captive son obéissance,
Cela se peut facilement ;
Mais qu’il soit une amour si forte
Que celle-là que je vous porte,
Cela ne se peut nullement.
Que le fâcheux nom de cruelles
Semble doux à beaucoup de belles,
Cela se peut facilement ;
Mais qu’en leur âme trouve place
Rien de si froid que votre glace,
Cela ne se peut nullement.
Qu’autres que moi soient misérables
Par vos rigueurs inexorables,
Cela se peut facilement ;
Mais que de si vives atteintes
Parte la cause de leurs plaintes,
Cela ne se peut nullement.
Qu’on serve bien lorsque l’on pense
En recevoir la récompense,
Cela se peut facilement ;
Mais qu’une autre foi que la mienne
N’espère rien, et se maintienne,
Cela ne se peut nullement.
Qu’à la fin la raison essaie
Quelque guérison à ma plaie,
Cela se peut facilement ;
Mais que d’un si digne servage
La remontrance me dégage,
Cela ne se peut nullement.
Qu’en ma seule mort soient finies
Mes peines et vos tyrannies,
Cela se peut facilement ;
Mais que jamais par le martyre
De vous servir je me retire,
Cela ne se peut nullement.
François de Malherbe — Chansons
La lecture active du poème
La lecture active du poème ouvre et libère la conscience.
Or, la conscience libre fait le citoyen libre.
Donc, la poésie est la condition d’une cité libre.
— Jean-Pierre Siméon, 2015
Nada
Il avait tatoué sur son cœur
Le nom intraduisible
D’une femme de néant : Nada
Nada, ma nuit de rien
Nada, mon ombre fauve
Nada, pour le rire et le non
Il psalmodiait avec ivresse
Ce mantra de carbone
En souvenir de l'or
Nada, ô ma sultane
Nada, ma déchirure
Nada, pour la fin des fins
Sous son masque de cendre
Il suivait du regard
Une sombre déesse
Nada, au goût d'orage
Nada, de corps et d'esprit
Nada, qui efface tout
Nada, portée à l'infini
André Velter
Into the Wave
Un voilier passe…
Je suis debout au bord de la plage.
Un voilier passe dans la brise du matin,
et part vers l'océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Quelqu'un à mon côté dit : « il est parti ! »
Parti vers où ?
Parti de mon regard, c'est tout !
Son mât est toujours aussi haut,
sa coque a toujours la force de porter
sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi,
pas en lui.
Et juste au moment où quelqu'un prés de moi
dit : «il est parti !»
il en est d'autres qui le voyant poindre à l'horizon
et venir vers eux s'exclament avec joie :
« Le voilà ! »
C'est ça la mort !
Il n'y a pas de morts.
Il y a des vivants sur les deux rives.
William Blake
The Light From One
I am holding your torch
I won't hold it no more
You can have it, take it, use it
I am holding your torch
I won't hold it no more
You can have it, take it, use it
I'll need both my hands to hold my own
I need only one light
I'm in your room
We've been here for weeks now
Your windows are painted
With nothing real
I hear music, filtering through it all
I press my ear against the wall
I'll need both my hands to hold my own
I need only one light
Before it gets dark
Before it's all gone
I know I have to put yours down
The light is going dim
My torches, they are both fading
I'll need both my hands to hold my own
I need only one light
I'll need both my hands to hold my own
I need only one light
I'll need both my hands
I'll need both my hands
I'll need both my hands
I'll need both my hands
I'll need both my hands to hold my own
I need only one light
Ane Brun
Les cheveux blancs
Ce sont les cendres d'un trésor –
Tant de pertes, tant d'offenses
Quel roc ne s'effrite et s'abat
Devant de telles cendres.
La colombe éclatante et nue
A nulle autre appariée.
La sagesse de Salomon
Sur toutes les vanités.
Redoutable blancheur, craie
D'un temps sans déclin.
Mais si le feu brûlait mes murs
Dieu se tenait à mon seuil!
Délivré de tous les fatras,
Maître des songes et des jours,
Flamme née de ce blanc précoce
L'esprit monte droit !
Non vous ne m'avez pas trahie,
Années, ni prise de revers!
En ces cheveux déjà blancs
C'est l'éternité qui l'emporte.
27 septembre 1922
Marina Tsvetaïeva,
Ojos, pues me desdeñáis
Vénus anadyomène
Comme d'un cercueil vert en fer-blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D'une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés ;
Puis le col gras et gris, les larges omoplates
Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l'essor ;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;
L'échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
Horrible étrangement ; on remarque surtout
Des singularités qu'il faut voir à la loupe...
Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;
Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d'un ulcère à l'anus.
27 juillet 1870
Arthur Rimbaud