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Coups de cœur
Quelqu'un
Quelqu'un d'un doigt léger m'a touchée à l'épaule...
Je me suis retournée mais il s'était enfui :
Peut-être es-tu celui que je n'espérais plus
et dont le souvenir confus
trouble encore quelquefois le miroir de mes songes ?
Ou bien
l'ange gardien de mon âme d'enfant
alors que résonnait aux jardins du Printemps
le doux éclat de nos deux rires ?
Je froissais quelquefois tes ailes dans nos jeux,
blanches ailes au reflet bleu
comme l'enfantine journée.
Viens-tu comme autrefois, poser mes pieds lassés
sur la divine échelle où palpitaient les anges ?
Nous la sentions vibrer d'amour pur sous nos doigts,
mais c'était le temps d'autrefois...
Ou bien
es-tu tout simplement
celle que chaque jour j'attends,
la patiente Silencieuse,
avec le fil aiguisé de ta faux
dissimulé derrière ton épaule ? ...
Est-ce donc en ce soir d'automne
et dans sa fragile beauté
qu'il faut partir pour l'incertain voyage ?
Ô Mère du sommeil, prends moi donc par la main,
ne faisons pas de bruit et ne troublons personne,
partons comme s'envole une feuille en automne.
(Octobre 1943)
Louisa Paulin
Donne-moi chaque jour
Nous marchons côte à côte
Nous marchons côte à côte
De toi
je ne vois plus que l'oreille
finement sculptée
le lobe à croquer
l'escargot aux aguets
Et cela me suffit
de toi
pour reconstituer les traits de ton visage
quand tu me tourneras le dos
pour aller ton chemin
Abdellatif Laâbi
Ma mort
Qu'importe à moi le reste de la terre ?
Des beaux esprits qu'importe la rumeur,
Et du public la sentence sévère ?
Je suis amant, et ne suis point auteur.
Je ne veux point d'une gloire pénible ;
Trop de clarté fait peur au doux plaisir.
Je ne suis rien, et ma muse paisible
Brave en riant son siècle et l'avenir.
Je n'irai pas sacrifier ma vie
Au fol espoir de vivre après ma mort.
Évariste de Parny
Je me penche sur toi
Je me penche sur toi. T’embrasse. Tout autour, bien que nous soyons immobiles, la ville ressemble à un manège, un charivari électrique. Et c’est bon de penser que les passants nous voient, que nous nous moquons de leur jugement. Ils sont innombrables, mais nous sommes seuls à nous être trouvés. Les piétons errent sans but, désorientés : ce sont des électrons libres qui poursuivent une trajectoire absurde, quand nous avons des atomes crochus. Une capitale entière s’annule, dis millions de personnes disparaissent quand nos paupières se ferment. La ville qui nous a bercés et rapprochés, enfin s’éloigne. Le baiser est l’oasis du macadam.
Alexandre Lacroix, Contribution à la théorie du baiser
c’est si bon
c’est si bon de croire qu’il y a des endroits où personne
n’a été abimé
pas encore
ils n’ont pas assez de souvenirs
pour apprendre à partir
avant la nuit
partir
Cécile Coulon
Mazurka
Bien que mort à la foi
Bien que mort à la foi qui m'assurait de Dieu,
Je regrette toujours la volupté de croire,
Et ce dissentiment éclate en plus d'un lieu
Dans mon livre contradictoire.
Ayant pour son malheur le choix de deux chemins
Ma vie entre chacun piétine, balancée ;
J'hésite à prendre un but, quel qu'il soit, tant je crains
De me découvrir ma pensée.
Mais, dussé-je partir sans savoir où j'irai,
Il faut que je m'enfonce enfin dans une route :
Je suis las de souffrir d'être ainsi déchiré
Par les violences du Doute.
S'il m'arrive d'errer pour un temps hors des murs
De la communauté catholique et romaine,
Je n'empêcherai pas qu'au sein des dogmes sûrs
Un heureux détour me ramène ;
Car, héritier d'un sang déjà vieux de chrétiens,
C'est encor lui qui parle en moi lorsque je pense,
Et l'amour qui m'unit sur cette terre aux miens
Me fait aimer leur espérance.
La douleur qui m'incline à de mauvais sentiers
N'usera pas l'instinct profond de tout mon être ;
Je veux, quand le moment viendra, mourir aux pieds
Du crucifix qui m'a vu naître.
Charles Guérin
Le plus beau poème du monde
Le plus beau poème du monde ne sera jamais que le pâle reflet de ce qu’on appelle la poésie, qui est une manière d’être, ou, dirait l’autre, d’habiter ; de s’habiter. Toutes les réactions des hommes relèvent de la poésie. Ça ne trompe pas. La poésie, c’est l’indifférence à tout ce qui manque de réalité.
Georges Perros