Fusion
Coups de cœur
Aimer à perdre la raison
Aimer à n'en savoir que dire
A n'avoir que toi d'horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison
Ah c'est toujours toi que l'on blesse
C'est toujours ton miroir brisé
Mon pauvre bonheur, ma faiblesse
Toi qu'on insulte et qu'on délaisse
Dans toute chair martyrisée
Aimer à perdre la raison
Aimer à n'en savoir que dire
A n'avoir que toi d'horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison
La faim, la fatigue et le froid
Toutes les misères du monde
C'est par mon amour que j'y crois
En elle je porte ma croix
Et de leurs nuits ma nuit se fonde
Aimer à perdre la raison
Aimer à n'en savoir que dire
A n'avoir que toi d'horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison
Louis Aragon
Le poème dit ce qu’il dit.
L’interprétation appartient à celui qui lit, et elle est toujours juste.
La poésie est remise en question des certitudes, mise en danger,
elle demande de l’humilité et du partage.
Alexandre Voisard
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre le brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douleureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
Pierre de Marbeuf
Water is taught by thirst
Land - by the ocean passed
Transport - by throe -
Peace -by it's battle told -
Love, by Memorial Mold
Birds, by the snow
On apprend l'eau - par la soif
La terre - par les mers qu'on passe
L'exaltation - par l'angoisse -
La paix - en comptant ses batailles -
L'amour - par une image qu'on garde
Et les oiseaux - par la neige
Emily Dickinson
I sing you a song that I offer
To all the women you love for
A moment, a brief secrettime
To those that you scarcely
Had met when
A different destiny led them
To places you can't even find
To her that you saw
For an instant
Appear at
Her window quite distant
Then suddenly vanish away,
Her slim silhouette
A mere outline
So gracefully faded
For all time
But filled you with joy come
To stay
To her on a train
You were travelling
Whose beautiful eyes left you
marvelling
And shortened
The journey so much,
Perhaps
You alone understood her,
you watched her get out:
But you could not
Even give her soft hand
One light touch
To women already bespoken
Who find their life's
A mere token
With someone
That seems not to care.
They once,
In a moment of madness
Described the unbearable
Sadness
When life holds
Our only despair
The vision once
Glimpsed and idealised,
The shortest-lived hopes,
Never realised,
Remains in our minds
Just one day
Whatever brief happiness
Takes you
The memory
Will quickly forsake you
Of those you once met
On your way
But feeling
Your life has been wasted
You wish with regret
That you'd tasted
And known-what
These joys might
Have been:
The kisses
You dared not discover,
The hearts that await
You forever,
Those eyes and
Their glances unseen
When weariness lengthens
Your evenings
You people your solitude,
Grieving,
With phantoms
Your memory retains
You mourn absent
Lips of these countless
Fair passers-by briefly
Encountered
You didn't know how
To detain.
Graeme Allwright
Cuando ya nada se espera personalmente exaltante,
mas se palpita y se sigue más acá de la conciencia,
fieramente existiendo, ciegamente afirmado,
como un pulso que golpea las tinieblas,
Quand plus rien de personnellement exaltant n´est attendu,
Plus on palpite et plus on est proche de la conscience,
Existant comme un fauve, aveuglement affirmé,
comme un pouls qui frappe les ténèbres,
cuando se miran de frente
los vertiginosos ojos claros de la muerte,
se dicen las verdades:
las bárbaras, terribles, amorosas crueldades.
quand on regarde en face
les vertigineux yeux clairs de la mort,
on dit les vérités :
Les barbares, les terribles, les amoureuses cruautés.
Se dicen los poemas
que ensanchan los pulmones de cuantos, asfixiados,
piden ser, piden ritmo,
piden ley para aquello que sienten excesivo.
On dit les poèmes
qui élargissent les poumons de tous ceux qui,
asphyxiés,
demandent à être, demandent du rythme,
demandent des lois pour ce qu´ils éprouvent d´excessif.
Con la velocidad del instinto,
con el rayo del prodigio,
como mágica evidencia, lo real se nos convierte
en lo idéntico a sí mismo.
Avec la vitesse de l'instinct,
avec l´éclair du prodige,
comme une évidence magique, ce qui est réel nous transforme
en ce qui est identique à à lui-même.
Poesía para el pobre, poesía necesaria
como el pan de cada día,
como el aire que exigimos trece veces por minuto,
para ser y en tanto somos dar un sí que glorifica.
Poésie pour le pauvre, poésie nécessaire
comme le pain de chaque jour,
comme l'air que nous exigeons treize fois par minute,
pour être et tant que nous sommes donner un oui qui nous glorifie.
Porque vivimos a golpes, porque apenas si nos dejan
decir que somos quien somos,
nuestros cantares no pueden ser sin pecado un adorno.
Estamos tocando el fondo.
Parce que nous vivons par à-coups,
parce que c´est à peine s´ils nous laissent
dire que nous sommes ceux qui nous sommes,
nos chants ne peuvent être, sans péché, un ornement.
Nous touchons le fond.
Maldigo la poesía concebida como un lujo
cultural por los neutrales
que, lavándose las manos, se desentienden y evaden.
Maldigo la poesía de quien no toma partido hasta mancharse.
Je maudis la poésie conçue comme un luxe
culturel par ceux qui sont neutres
Ceux qui, en se lavant les mains, se désintéressent et s´évadent.
Je maudis la poésie de celui qui ne prend pas parti jusqu'à la souillure.
Hago mías las faltas. Siento en mí a cuantos sufren
y canto respirando.
Canto, y canto, y cantando más allá de mis penas
personales, me ensancho.
Je fais miennes les fautes. Je sens en moi à tous ceux qui souffrent
et je chante en respirant.
Je chante, et je chante, et en chantant par delà mes peines
personnelles, je m'élargis.
Quisiera daros vida, provocar nuevos actos,
y calculo por eso con técnica qué puedo.
Me siento un ingeniero del verso y un obrero
que trabaja con otros a España en sus aceros.
J´aimerais vous donner la vie, provoquer de nouveaux actes,
Et je calcule en conséquence, avec technique, ce que je peux faire.
Je me sens un ingénieur du vers et un ouvrier
qui travaille avec d'autres l'Espagne dans ses aciers.
Tal es mi poesía: poesía-herramienta
a la vez que latido de lo unánime y ciego.
Tal es, arma cargada de futuro expansivo
con que te apunto al pecho.
Telle est ma poésie : poésie- outil
à la fois battement du coeur de l´unanime et aveugle.
Telle est, arme chargée de futur expansif
avec laquelle je vise ta poitrine.
No es una poesía gota a gota pensada.
No es un bello producto. No es un fruto perfecto.
Es algo como el aire que todos respiramos
y es el canto que espacia cuanto dentro llevamos.
Ce n'est pas une poésie pensée goutte a goutte.
Ce n'est pas un beau produit. Ce n'est pas un fruit parfait.
C´est similaire à l'air que nous respirons tous
et c´est le chant qui donne de l´espace à tout ce nous portons en nous.
Son palabras que todos repetimos sintiendo
como nuestras, y vuelan. Son más que lo mentado.
Son lo más necesario: lo que no tiene nombre.
Son gritos en el cielo, y en la tierra son actos.
Ce sont des mots que nous répétons en les sentant
nôtres, et ils volent. Ils sont plus que ce qu´ils nomment.
Ils sont le plus nécessaire : ce qui n'a pas de nom.
Ce sont des cris au ciel, et sur terre ce sont les actes.
Gabriel Celaya
Je vous aime, mon corps, qui fûtes son désir,
Son champ de jouissance et son jardin d'extase
Où se retrouve encor le goût de son plaisir
Comme un rare parfum dans un précieux vase.
Je vous aime, mes yeux, qui restiez éblouis
Dans l'émerveillement qu'il traînait à sa suite
Et qui gardez au fond de vous, comme en deux puits,
Le reflet persistant de sa beauté détruite. [...]
Je vous aime, mon coeur, qui scandiez à grands coups
Le rythme exaspéré des amoureuses fièvres,
Et mes pieds nus noués aux siens et mes genoux
Rivés à ses genoux et ma peau sous ses lèvres...
Je vous aime ma chair, qui faisiez à sa chair
Un tabernacle ardent de volupté parfaite
Et qui preniez de lui le meilleur, le plus cher,
Toujours rassasiée et jamais satisfaite.
Et je t'aime, ô mon âme avide, toi qui pars
- Nouvelle Isis - tentant la recherche éperdue
Des atomes dissous, des effluves épars
De son être où toi-même as soif d'être perdue.
Je suis le temple vide où tout culte a cessé
Sur l'inutile autel déserté par l'idole ;
Je suis le feu qui danse à l'âtre délaissé,
Le brasier qui n'échauffe rien, la torche folle...
Et ce besoin d'aimer qui n'a plus son emploi
Dans la mort, à présent retombe sur moi-même.
Et puisque, ô mon amour, vous êtes tout en moi
Résorbé, c'est bien vous que j'aime si je m'aime.
Marie Nizet
Ferdinand Hodler, Dents du Midi, 1913, huile sur toile 60 x 80 cm
La grève des bords de mots est un sable rêche
Roulé de vagues de silence
Les marées de l’absence aiguisent les arêtes pointues des cailloux salés
Sur le bord des lèvres, là où s'éteignent les appels qu’on ne crie pas
Par décence
Un vieux pêcheur muet lance une ligne
Dans un bruit mat qui se noie aussitôt
Le muet parle à des sourds
Ils avalent les phrases sans en recracher un morceau
Et ça fait un désert si blanc que le pêcheur baisse sa casquette
Protège ses yeux
Et ramène sa ligne
Ca ne mord pas aujourd’hui
Alice Fernandez