L'enfance
L'enfance reste en nous. Le temps est une boucle.
L'enfant est au centre, on ne fait que tourner autour
Agnès Desarthe
Coups de cœur
L'enfance reste en nous. Le temps est une boucle.
L'enfant est au centre, on ne fait que tourner autour
Agnès Desarthe
Se glisser dans ton ombre
à la faveur de la nuit.
Suivre tes pas,
ton ombre à la fenêtre.
Cette ombre à la fenêtre c'est toi, ce n'est pas une autre, c'est toi.
N'ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges.
Ferme les yeux.
Je voudrais les fermer avec mes lèvres.
Mais la fenêtre s'ouvre et le vent
le vent qui balance bizarrement la flamme
et le drapeau
entoure ma fuite de son manteau.
La fenêtre s'ouvre Ce n'est pas toi.
Je le savais bien.
Robert Desnos
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien,
Mais l'amour infini me montera dans l'âme ;
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, heureux- comme avec une femme.
Arthur Rimbaud
Nous ne sommes personne, un nom
pourtant nous est donné.
Contre lui, ange profond, inavoué
nous nous serrons.
Il y a une origine, infime
où nom et corps se rejoignent
déroulent leurs arcanes
extase, plainte ardente
que révèle le poème.
Ton nom touche ta blessure.
Sylvie Fabre G.
Nicolas de Staël, Agrigente, 1954, huile sur toile, 60 x 81 cm
Connaissez-vous le grand Albert ?
Joachim ? Amaury de Bène ?
à Thöss, Margareta Ebner
de Christ enceinte en chair humaine ?
Connaissez-vous Henri Suso ?
Ruysbrock surnommé l’Admirable ?
et Joseph de Cupertino
qui volait comme un dirigeable ?
Et les sermons de Jean Tauler ?
et le jeune homme des Sept Nonnes
qu’on soigna comme une amazone
débarquant des Ciels-univers ?
Connaissez-vous Jacob Boehm
et la Signatura Rerum ?
et Paracelse l’archidoxe,
le précurseur des rayons X ?
On connaît bien peu ceux qu’on aime
mais je les comprends assez bien
étant tous ces gens-là moi-même
qui ne suis pourtant qu’un babouin
Max Jacob
Ô Seigneur
la cage est devenue oiseau
et s´est envolée
et mon coeur est devenu fou
il hurle à la mort
et sourit à mes délires
à l´insu du vent...
Que ferai-je de ma peur?
Que ferai-je de ma peur?
La lumière de mon sourire ne danse plus
les saisons ne brûlent plus les colombes de mes songes.
Mes mains se sont dénudées
et sont allées là où la mort
enseigne à vivre aux morts.
Ô Seigneur
l´espace condamne mon être.
Et derrière lui des monstres
boivent mon sang
C´est le désastre.
C´est l´heure du vide sans vide,
il est temps de verrouiller mes lèvres,
d´écouter crier les condamnés,
contempler chacun de mes noms
suspendus dans le néant.
Ô Seigneur
jette les cercueils de mon sang...
Je me souviens de mon enfance,
lorsque j´étais vieille
et que les fleurs mouraient entre mes mains
car la danse sauvage de mon allégresse
leur détruisait le coeur.
Je me souviens des sombres matins de soleil
quand j´étais petite fille,
c´était hier,
c´était il y a des siècles.
Ô Seigneur
la cage est devenue oiseau
et a dévoré mes espérances.
Ô Seigneur
la cage est devenue oiseau
et que ferai-je de ma peur?
Alejandra Pizarnik
traduction : Noëlle-Yábar Valdez
Und frische Nahrung, neues
Blut
saug’ ich aus freier Welt ;
Wie ist Natur so hold und gut,
Die mich am Busen hält !
Die Welle wieget unsern Kahn
Im Rudertakt hinauf,
Und Berge, wolkig himmelan,
Begegnen unserm Lauf.
Et du libre univers nourriture nouvelle
En moi j’aspire, sang neuf dans mes veines ;
Comme Nature est bienveillante et bonne
Qui me presse contre son sein !
La vague berce notre barque
Vers l’amont au rythme des rames,
Et les montagnes, dressées dans les nuages,
Rencontrent notre course.
Aug mein Aug, was
sinkst du nieder ?
Goldne Träume, kommt ihr wieder ?
Weg, du Traum, so gold du bist :
Hier auch Lieb und Leben ist.
Mes yeux, mes yeux, pourquoi vous fermez-vous ?
Rêves dorés, revenez-vous ?
Va-t-en, rêve, si doré que tu sois ;
Ici aussi est l’amour, ici aussi la vie.
Auf der Welle
blinken
Tausend schwebende Sterne,
Weiche Nebel trinken
Rings die türmende Ferne ;
Morgenwind umflügelt
Die beschattete Bucht,
Und im See bespiegelt
Sich die reifende Frucht.
Sur la vague scintillent
Mille étoiles flottantes,
Les brumes moelleuses boivent
Les hautes masses des lointains alentour ;
La brise du matin volète
Sur les bords de la baie ombreuse,
Et dans le lac se reflète,
Mûrissante, la moisson à venir.
Goethe
Je ne puis être et ne veux vivre que dans l'espace et dans la liberté de mon amour.
Nous ne sommes pas ensemble le produit d'une capitulation, ni le motif
d'une servitude plus déprimante encore. Aussi menons-nous
malicieusement l'un contre l'autre une guérilla sans reproche.
(...)
Nos paroles sont lentes à nous parvenir, comme si elles contenaient,
séparées, une sève suffisante pour rester closes tout un hiver ; ou mieux,
comme si, à chaque extrémité de la silencieuse distance, se mettant en joue,
il leur était interdit de s'élancer et de se joindre.
Notre voix court de l'un à l'autre ; mais chaque avenue, chaque treille,
chaque fourré, la tire à lui, la retient, l'interroge. Tout est prétexte à la ralentir.
Souvent je ne parle que pour toi, afin que la terre m'oublie.
René Char