Arias and concertos
Magdalena Kozena,mezzosoprano, interprète des airs d'Haendel et de Vivaldi
Coups de cœur
Magdalena Kozena,mezzosoprano, interprète des airs d'Haendel et de Vivaldi
Sonnet LXXIII.
Nos désirs sont d’amour la dévorante braise,
Sa boutique nos corps, ses flammes nos douleurs,
Ses tenailles nos yeux, et la trempe nos pleurs,
Nos soupirs ses soufflets, et nos sens sa fournaise.
De courroux, ses marteaux, il tourmente notre aise
Et sur la dureté, il rabat nos malheurs,
Elle lui sert d’enclume et d’étoffe nos cœurs
Qu’au feu trop violent, de nos pleurs il apaise,
Afin que l’apaisant et mouillant peu à peu
Il brûle d’avantage et rengrège (1) son feu.
Mais l’abondance d’eau peut amortir la flamme.
Je tromperai l’enfant, car pensant m’embraser,
Tant de pleurs sortiront sur le feu qui m’enflamme
Qu’il noiera sa fournaise au lieu de l’arroser.
1. Rengrège : Augmente.
Théodore Agrippa d’Aubigné
Sleep now, O sleep now,
O you unquiet heart!
A voice crying "Sleep now"
Is heard in my heart.
The voice of the winter
Is heard at the door.
O sleep, for the winter
Is crying "Sleep no more."
My kiss will give peace now
And quiet to your heart -
Sleep on in peace now,
O you unquiet heart!
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Dors maintenant, oh, dors maintenant,
Oh, cœur inquiet !
Une voix qui crie "Dors maintenant"
S'entend dans mon cœur.
La voix de l'hiver
S'entend à la porte.
Oh, dors, car l'hiver
Crie : " Ne dormez plus".
Mon baiser donnera la paix maintenant
et le repos à ton cœur --
Dors en paix maintenant,
Oh, cœur inquiet !
James Joyce
Jim Hall Concerto d'Aranjuez
Immensité criminelle
vase fêlé de l'immensité
ruine sans limites
immensité qui m'accable molle
je suis mou
l'univers est coupable
la folie ailée ma folie
déchire l'immensité
et l'immensité me déchire
je suis seul
des aveugles liront ces lignes
en d'interminables tunnels
je tombe dans l'immensité
qui tombe en elle-même
elle est plus noire que ma mort
le soleil est noir
la beauté d'un être est le fond des caves un cri
de la nuit définitive
ce qui aime dans la lumière
le frisson dont elle est glacée
est le désir de la nuit
je mens
et l'univers se cloue
à mes mensonges déments
l'immensité
et moi
dénonçons les mensonges l'un de l'autre
la vérité meurt
et je crie
que la vérité ment
ma tête sucrée
qu'épuise la fièvre
est le suicide de la vérité
Le non-amour est la vérité
et tout ment dans l'absence d'amour
rien n'existe qui ne mente
comparé au non-amour
l'amour est lâche
et n'aime pas
l'amour est parodie du non-amour
la vérité parodie du mensonge
l'univers un suicide gai
dans le non-amour
l'immensité tombe en elle-même
ne sachant que faire
tout est pour d'autres en paix
les mondes tournent majestueux
dans leur monotonie calme
l'univers est en moi comme en lui-même
plus rien ne m'en sépare
je me heurte en moi-même à lui
dans le calme infini
où les lois l'enchainent
il glisse à l'impossible immensément
horreur
d'un monde tournant en rond
l'objet du désir est plus loin
la gloire de l'homme est
si grande qu'elle soit
d'en vouloir une autre
je suis
le monde est avec moi
poussé hors du possible
je ne suis que le rire
et la nuit puérile
où tombe l'immensité
je suis le mort
l'aveugle
l'ombre sans air
comme les fleuves dans la mer
en moi le bruit et la lumière
se perdent sans finir
je suis le père
et le tombeau
du ciel
l'excès de ténèbres
est l'éclat de l'étoile
le froid de la tombe est un dé
la mort joua le dé
et le fond des cieux jubile
de la nuit qui tombe en moi
Georges Bataille
Si dehors j'étais restée,
où je fus commencée,
les nuits seraient péché,
et les journées danger.
Il y en aurait un qui m'eût prise
et puis de nouveau laissée,
et un second serait venu.
Ma bouche , il l’aurait cachée
avec tous ses baisers.
Et un troisième j'aurais
peut-être dû suivre nu-pieds,
et ne l'aurais atteint jamais ;
le quatrième je ne l'aurais laissé
entrer que par fatigue morose,
et pour embrasser quelque chose
et , quelque part ,être couchée.
Or , comme chez aucun je ne dormais ,
n'ai-je donc rien commis ?
Où fus-je quand nous chantâmes , dis ?
Qui appelais-je quand je T'appelais ?
Rainer Maria Rilke
La nature est tout ce qu’on voit,
Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime.
Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit,
Tout ce que l’on sent en soi-même.
Elle est belle pour qui la voit,
Elle est bonne à celui qui l’aime,
Elle est juste quand on y croit
Et qu’on la respecte en soi-même.
Regarde le ciel, il te voit,
Embrasse la terre, elle t’aime.
La vérité c’est ce qu’on croit
En la nature c’est toi-même.
George Sand
J’arrache l’écorce de ton absence
et je lèche les zones blessées du désir,
ma salive comme une gaze ou suture
elle apaise ton poison, néanmoins
je les lèche avec une langue
dont on a peur de perdre le sens,
mais qui fêle, malgré tout, l’attente.
Prisca Agustoni
Domenico Scarlatti , Sonate K 517 [Longo 266] en ré mineur, Prestissimo