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Coups de cœur
Une statue (soldat)
Au carrefour des abattoirs et des casernes,
Il apparaît, foudroyant et vermeil,
Le sabre en bel éclair sous le soleil.
Masque d’airain, casque et panache d’or ;
Et l’horizon, là-bas, où le combat se tord,
Devant ses yeux hallucinés de gloire !
Un élan fou, un bond brutal
Jette en avant son geste et son cheval
Vers la victoire.
Il est volant comme une flamme,
Ici, plus loin, au bout du monde,
Qui le redoute et qui l’acclame.
Il entraîne, pour qu’en son rêve ils se confondent,
Dieu, son peuple, ses soldats ivres ;
Les astres mêmes semblent suivre,
Si bien que ceux
Qui se liguent pour le maudire
Restent béants : et son vertige emplit leurs yeux.
Il est de calcul froid, mais de force soudaine :
Des fers de volonté barricadent le seuil
Infrangible de son orgueil.
Il croit en lui — et qu’importe le reste !
Pleurs, cris, affres et noire et formidable fête,
Avec lesquels l’histoire est faite.
Il est la mort fastueuse et lyrique,
Montrée, ainsi qu’une conquête,
Au bout d’une existence en or et en tempête.
Il ne regrette rien de ce qu’il accomplit,
Sinon que les ans brefs aillent trop vite
Et que la terre immense soit petite.
Il est l’idole et le fléau :
Le vent qui souffle autour de son front clair
Toucha celui des Dieux armés d’éclairs.
Il sent qu’il passe en rouge orage et que sa destinée
Est de tomber en brusque écroulement,
Le jour où son étoile étrange et effrénée,
Cristal rouge, se cassera au firmament.
Au carrefour des abattoirs et des casernes,
Il apparaît, foudroyant et vermeil,
Le sabre en bel éclair dans le soleil.
Emile Verhaeren
Roulez jeunesse
Donnez-vous des rendez-vous partout,
-Dans les champs, dans les choux,
-Faites-vous des baisers tout de suite,
-Des serments sur le grand huit.
-Le temps passe à toute vitesse,
-Roulez jeunesse.
Louis Chedid
Les mois de l’année
Janvier pour dire à l’année « bonjour »
Février pour dire à la neige « il faut fondre »
Mars pour dire à l’oiseau migrateur « reviens »
Avril pour dire à la fleur « ouvre-toi »
Mai pour dire « ouvriers nos amis »
Juin pour dire à la mer « emporte-nous très loin »
Juillet pour dire au soleil « c’est ta saison »
Août pour dire « l’homme est heureux d’être homme »
Septembre pour dire au blé « change-toi en or »
Octobre pour dire « camarades la liberté »
Novembre pour dire aux arbres « déshabillez-vous »
Décembre pour dire à l’année « adieu, bonne chance. »
Et douze mois de plus par an, mon fils,
Pour te dire que je t’aime.
Alain Bosquet
Villa Sorra
Mes yeux dolents ont plaint mon coeur
Mes yeux dolents ont plaint mon coeur;
ils ont subi la souffrance des pleurs
et restent vaincus à jamais.
Pour désormais épancher la douleur
qui par degrés me conduit à la mort,
ma voix devra crier mon deuil.
Et puisqu'il me souvient que de ma Dame
j'aimais à vous parler, dames courtoises,
au temps qu'elle vivait,
à nulle autre ne parlerait
qu'à dame de coeur noble,
et dans les pleurs la chanterai,
car elle s'en est allée au ciel soudain,
laissant Amour en peine auprès de moi.
Dante Alighieri
Le secret de la poésie
Le secret de la poésie ne consiste pas tant à offrir de la beauté
qu'à unir, à faire communiquer intimement l'âme des hommes.
Vicente Aleixandre Merlo
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient ?
Pourtant les hôtesses sont douces
Aux auberges bordées de neige
Pourtant patientent les épouses
Que les enfants ont prises au piège
Pourtant les auberges sont douces
Où le vin fait tourner manège
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient ?
Pourtant les villes sont paisibles
Où tremblent cloches et clochers
Mais le diable dort-il sous la bible ?
Mais les rois savent-ils prier ?
Pourtant les villes sont paisibles
De blanc matin en blanc coucher
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient ?
Pourtant il nous reste à rêver
Pourtant il nous reste à savoir
Et tous ces loups qu'il faut tuer
Tous ces printemps qu'il reste à boire
Désespérance ou désespoir
Il nous reste à être étonnés
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient ?
Pourtant il nous reste à tricher
Être le pique et jouer cœur
Être la peur et rejouer
Être le diable et jouer fleur
Pourtant il reste à patienter
Bon an mal an on ne vit qu'une heure
Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient ?Jacques Brel
Just So
Vos beaux yeux
Chanson
Vos beaux yeux sur ma franchise
N’adressent pas bien leurs coups,
Tête chauve et barbe grise
Ne sont pas viande pour vous ;
Quand j’aurais l’heure de vous plaire,
Ce serait perdre du temps ;
Iris, que pourriez-vous faire
D’un galant de cinquante ans ?
Ce qui vous rend adorable
N’est propre qu’à m’alarmer,
Je vous trouve trop aimable
Et crains de vous trop aimer :
Mon cœur à prendre est facile,
Mes vœux sont des plus constants ;
Mais c’est un meuble inutile
Qu’un galant de cinquante ans.
Si l’armure n’est complète,
Si tout ne va comme il faut,
Il vaut mieux faire retraite
Que d’entreprendre un assaut :
L’amour ne rend point la place
À de mauvais combattants,
Et rit de la vaine audace
Des galants de cinquante ans.
Pierre Corneille