The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore
The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore (2011)
Coups de cœur
The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore (2011)
Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Écrire, par exemple: "La nuit est étoilée
et les astres d'azur tremblent dans le lointain."
Le vent de la nuit tourne dans le ciel et chante.
Je puis écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Je l'aimais, et parfois elle aussi elle m'aima.
Les nuits comme cette nuit, je l'avais entre mes bras.
Je l'embrassai tant de fois sous le ciel, ciel infini.
Elle m'aima, et parfois moi aussi je l'ai aimée.
Comment n'aimerait-on pas ses grands yeux fixes.
Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit.
Penser que je ne l'ai pas. Regretter l'avoir perdue.
Entendre la nuit immense, et plus immense sans elle.
Et le vers tombe dans l'âme comme la rosée dans l'herbe.
Qu'importe que mon amour n'ait pas pu la retenir.
La nuit est pleine d'étoiles, elle n'est pas avec moi.
Voilà tout. Au loin on chante. C'est au loin.
Et mon âme est mécontente parce que je l'ai perdue.
Comme pour la rapprocher, c'est mon regard qui la cherche.
Et mon coeur aussi la cherche, elle n'est pas avec moi.
Et c'est bien la même nuit qui blanchit les mêmes arbres.
Mais nous autres, ceux d'alors, nous ne sommes plus les mêmes.
je ne l'aime plus, c'est vrai. Pourtant, combien je l'aimais.
Ma voix appelait le vent pour aller à son oreille.
A un autre. A un autre elle sera. Ainsi qu'avant mes baisers.
Avec sa voix, son corps clair. Avec ses yeux infinis.
je ne l'aime plus, c'est vrai, pourtant, peut-être je l'aime.
Il est si bref l'amour et l'oubli est si long.
C'était en des nuits pareilles, je l'avais entre mes bras
et mon âme est mécontente parce que je l'ai perdue.
Même si cette douleur est la dernière par elle
et même si ce poème est les derniers vers pour elle.
Pablo Neruda
Sur la côte du Texas
Entre Mobile et Galveston il y a
Un grand jardin tout plein de roses
Il contient aussi une villa
Qui est une grande rose
Une femme se promène souvent
Dans le jardin toute seule
Et quand je passe sur la route bordée de tilleuls
Nous nous regardons
Comme cette femme est mennonite
Ses rosiers et ses vêtements n’ont pas de boutons
Il en manque deux à mon veston
La dame et moi suivons presque le même rite
Guillaume Apollinaire
Hindi Zahra
LIVE MAWAZINE 2011
Le poète est vraiment voleur de feu.
Il est chargé de l'humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper,
écouter ses inventions. Si ce qu'il rapporte de là-bas a forme, il donne forme ;
si c'est informe, il donne de l'informe. Trouver une langue ;
Arthur Rimbaud, lettre privée écrite à Paul Demeny, 15 mai 1871
Constantin Brancusi
1876-1957
la Muse endormie
Bronze poli, 16 x 18 x 27 cm.
1910
C’est beau d’avoir élu
Domicile vivant
Et de loger le temps
Dans un cœur continu,
Et d’avoir vu ses mains
Se poser sur le monde
Comme sur une pomme
Dans son petit jardin,
D’avoir aimé la terre,
La lune et le soleil
Comme des familiers
Qui n’ont pas leurs pareils,
Et d’avoir confié
Le monde à sa mémoire
Comme un clair cavalier
A sa monture noire,
D’avoir donné visage
A ces mots : femme, enfants,
Et servir de rivage
A d’errants continents
Et d’avoir atteint l’âme
A petits coups de rame
Pour ne l’effaroucher
D’une brusque approchée.
C’est beau d’avoir connu
L’ombre sous le feuillage
Et d’avoir senti l’âge
Ramper sur le corps nu,
Accompagné la peine
Du sang noir dans nos veines
Et doré son silence
De l’étoile Patience
Et d’avoir tout ces mots
Qui bougent dans la tête,
De choisir les moins beaux
Pour leur faire un peu fête,
D’avoir senti la vie,
Hâtive et mal aimée,
De l’avoir enfermée
Dans cette poésie.
Jules Supervielle
Jean-Philippe Rameau
1683-1764
Ouverture de l'opéra-ballet
Platée
1745
Elle était déchaussée, elle était décoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;
Moi qui passais par là, je crus voir une fée,
Et je lui dis: Veux-tu t'en venir dans les champs ?
Elle me regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous en triomphons,
Et je lui dis: Veux-tu, c'est le mois où l'on aime,
Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?
Elle essuya ses pieds à l'herbe de la rive ;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre alors devint pensive.
Oh! comme les oiseaux chantaient au fond des bois !
Comme l'eau caressait doucement le rivage !
Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,
La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.
Victor Hugo
La poésie doit être faite par tous. Non par un.
Toutes les tours d’ivoire seront démolies,
toutes les paroles seront sacrées
et l’homme s’étant enfin accordé à la réalité qui est sienne,
n’aura plus qu’à fermer les yeux pour que s’ouvrent les portes du merveilleux.
Lautréamont