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Coups de cœur
Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce ?
Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce ?
Un serment fait d'un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer;
C'est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,
Une communion ayant un goût de fleur,
Une façon d'un peu se respirer le cœur,
Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme !
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac
Aujourd'hui
Aujourd'hui je peux vraiment savoir que je vous aime.
Parce que je vous aime comme on doit aimer : dans le renoncement.
Je vous aime sans vous avoir; Vous ne me donnez rien et je vous aime.
Alice Ferney, La conversation amoureuse
L'adieu
Est-il vrai, mon amie,
Qu'il n'y a qu'un seul mot pour désigner
Dans la langue qu'on nomme la poésie
Le soleil du matin et celui du soir,
Un seul le cri de joie et le cri d'angoisse,
Un seul l'amont désert et les coups de haches,
Un seul le lit défait et le ciel d'orage,
Un seul l'enfant qui naît et le dieu mort ?...
Oui, je le crois, je veux le croire, mais quelles sont
Ces ombres qui emportent le miroir ?
Et vois, la ronce prend parmi les pierres
Sur la voie d'herbe encore mal frayée
Où se portaient nos pas vers les jeunes arbres.
Il me semble aujourd'hui, ici, que la parole
Est cette auge à demi brisée, dont se répand
À chaque aube de pluie l'eau inutile....
Yves Bonnefoy
Quiver
Belle qui tiens ma vie
Belle qui tiens ma vie
Captive dans tes yeux,
Qui m'as l’âme ravie
D'un sourire gracieux,
Viens tôt me secourir
Ou me faudra mourir.(bis)
Pourquoi fuis-tu mignarde
Si je suis près de touai,
Quand tes yeux je regarde
Je me perds dedans mouai,
Car tes perfections
Changent mes actions.(bis)
Tes beautés et ta grâce
Et tes divins propos
Ont échauffé la glace
Qui me gelait les os,
Et ont rempli mon cœur
D'une amoureuse ardeur.(bis)
Mon âme voulait être
Libre de passions,
Mais Amour s'est fait maître
De mes affections,
Et a mis sous sa loi
Et mon cœur et ma foi.(bis)
Approche donc ma belle
Approche, toi mon bien,
Ne me sois plus rebelle
Puisque mon cœur est tien.
Pour mon mal apaiser,
Donne-moi un baiser.(bis)
Je meurs mon angelette,
Je meurs en te baisant.
Ta bouche tant doucette
Va mon bien ravissant.
À ce coup mes esprits
Sont tous d'amour épris.(bis)
Plutôt on verra l'onde
Contre mont reculer,
Et plutôt l'œil du monde
Cessera de brûler,
Que l'amour qui m'époint
Décroisse d'un seul point.(bis)
Thoinot Arbeau
Avec certains êtres
Avec certains êtres, très rares, il faudrait ne pas parler. Il faudrait tout de suite être dans les bras, caresser le visage, les paupières, les joues, les lèvres, les effleurer d’un doigt, lentement d’abord, puis dans un baiser, passionnément. S’embrasser. S’étreindre. Les mots sont inutiles. Les mots viendraient plus tard confirmer ce que les corps ont su dès les premiers instants.
— Laurence Tardieu, Un temps fou
Tableaux frioulants
Sans manteau, dans l'odeur de jasmin
je me perds dans ma promenade vespérale,
respirant – avide et prostré, jusqu'à
ne plus exister, à être fièvre dans l'air,
la pluie qui germe et le ciel bleu
qui plombe durement sur les chaussées, signaux,
chantiers, troupeaux de gratte-ciel, amas
de déblais et d'usine, pénétrés
d'obscurité et de misère…
Je marche sur une sordide boue durcie, et je rase
des taudis récents et délabrés, à la lisière
de chauds terrains herbeux…Souvent l'expérience
répand autour d'elle plus de gaieté, plus de vie,
que l'innocence ; mais ce vent muet
remonte de la région ensoleillée
de l'innocence…L'odeur précoce et fragile
de printemps qu'il répand, dissout
toute défense dans ce cœur que j'ai racheté
par la seule clarté : je reconnais d'anciens désirs,
délires, tendresses éperdues,
dans ce monde agité de feuilles.
Pier Paolo Pasolini
Zefiro torna e di soavi accenti
Claudio Monteverdi, Zefiro torna e di soavi accenti, SV 251, madrigal pour deux voix et basse continue
Au bas des jardins de sables
Au bas des jardins de sables je t'ai rencontrée, mon amour.
Tu passais les jardins de saules d'un pied qui est comme neige.
Tu me dis de prendre l'amour simplement, ainsi que poussent les feuilles,
Mais moi j'étais jeune et fou et n'ai pas voulu te comprendre.
Dans un champs près de la rivière nous nous sommes tenus, mon amour,
Et sur mon épaule penchée tu posas ta main qui est comme neige.
Tu me dis de prendre la vie simplement, comme l'herbe pousse sur la levée,
Mais moi j'étais jeune et fou et depuis lors je te pleure.
William Butler Yeats