/image%2F0674225%2F20250625%2Fob_002468_joan-miro-absolute-reality-paris-1.jpg)
Vertuchou.over-blog.com
Coups de cœur
A Jeanne
Ces lieux sont purs ; tu les complètes.
Ce bois, loin des sentiers battus,
Semble avoir fait des violettes,
Jeanne, avec toutes tes vertus.
L’aurore ressemble à ton âge ;
Jeanne, il existe sous les cieux
On ne sait quel doux voisinage
Des bons cœurs avec les beaux lieux.
Tout ce vallon est une fête
Qui t’offre son humble bonheur ;
C’est un nimbe autour de ta tête ;
C’est un éden en ton honneur.
Tout ce qui t’approche désire
Se faire regarder par toi,
Sachant que ta chanson, ton rire,
Et ton front, sont de bonne foi.
Ô Jeanne, ta douceur est telle
Qu’en errant dans ces bois bénis,
Elle fait dresser devant elle
Les petites têtes des nids.
- 22 octobre 1859.
Fragile, j'ai froid sans toi
Fragile, j'ai froid sans toi, j'ai faim de nous,
je ne respire que pour t'aimer, ma peau est jeune,
le temps s'en fout et court encore, l'amour affleure sur mon corps,
rêves de ta vie, mon île, mon étoile,
mes mots doux déshabillent tes instants, fragile, j'ai froid sans toi et faim de nous."
Carole Riquet
Être poète
Être poète est être plus, est être plus grand
Que les hommes! Mordre comme qui embrasse!
C’est être mendiant et offrir comme celui qui est
Roi du Royaume au-deçà et au-delà de la Douleur!
C’est avoir de mil désirs la splendeur
Et ne pas savoir même ce que l’on désire!
C’est avoir en soi un astre qui flamboie,
C’est avoir des griffes et des ailes de condor!
C’est avoir faim, avoir soif de l’Infini!
La protection, les matins d’or et de satin…
C’est condenser le monde dans un seul cri!
Et c’est t’aimer, ainsi, éperdument…
Tu es âme, et sang, et vie en moi
Et en chantant le dire à tout le monde.
Florbela Espanca
Fantasie Impromptu
Frédéric Chopin, Fantaisie-Impromptu en do dièse mineur, Opus posthume 66
Per te praesentit aruspex
O mon très cher amour, toi mon œuvre et que j'aime,
A jamais j'allumai le feu de ton regard,
Je t'aime comme j'aime une belle œuvre d'art,
Une noble statue, un magique poème.
Tu seras, mon aimée, un témoin de moi-même.
Je te crée à jamais pour qu'après mon départ,
Tu transmettes mon nom aux hommes en retard
Toi, la vie et l'amour, ma gloire et mon emblème;
Et je suis soucieux de ta grande beauté
Bien plus que tu ne peux toi-même en être fière:
C'est moi qui l'ai conçue et faite toute entière.
Ainsi, belle œuvre d'art, nos amours ont été
Et seront l'ornement du ciel et de la terre,
O toi, ma créature et ma divinité !
Guillaume Apollinaire
Le poème peut être une bouteille
Le poème peut être une bouteille jetée à la mer, abandonnée à l’espoir
– certes souvent fragile – qu’elle pourra un jour, quelque part,
être recueillie sur une plage, sur la plage du cœur peut-être.
-- Paul Celan
Si la poésie vient
si la poésie vient sans qu'on s'y attende
elle s'en va comme elle est venue, par surprise
et ce qu'elle nous laisse parfois c'est un lac
dans la province inconnue de l'Alberta
ce n'est en réalité que le souvenir
d'une photographie d'un atlas d'enfance
mais un moment sur ce lac on navigue
en compagnie d'un ami mort depuis longtemps
le soir tombe et le visage de l'Indien
qui lève la rame vers le ciel s'éclaire
et le sourire de l'ami devient si présent
qu'il est impossible enfin de douter
des sources de la lumière
Jean-Claude Pirotte
Anaustia
Sonnet 129
La luxure : naufrage, en abîme de honte,
De la force vitale. Pour s'assouvir
Elle ment, elle calomnie, trahit, assassine,
Elle est immodérée, sauvagement cruelle,
Et méprisée si tôt que satisfaite,
Follement poursuivie mais follement
Haïe, le hameçon qu'on a dans la bouche,
Fait pour que l'esprit sombre, par la douleur.
Et insensée à vouloir comme à prendre,
Rage de qui a eu, qui possède, qui cherche,
Désirée, un délice, éprouvée, un malheur,
Attendue, une joie, passée, l'ombre d'un songe,
Et cela, qui l'ignore ? Mais qui se garde,
De ce ciel qui nous voue à cet enfer ?
William Shakespeare
(traduction d'Yves Bonnefoy)