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Coups de cœur
Mon bien-aimé
Mon bien-aimé, mon Victor, ne m’abandonne pas. Aime-moi. Si je meurs avant le terme, je veux qu’on te porte mon cœur, comme le pauvre Claude fit à Albin de son dernier morceau de pain, le dernier jour de sa vie. Moi, je veux qu’on te porte mon cœur que tu dois posséder au-delà même de ma vie.
Aime-moi, pardonne-moi, fais de moi ce que tu voudras.
Je t’aime.
Ici ma vie.
Là mes baisers.
Partout
Juliette
Adresse :
À toi mon bien-aimé
Juliette Drouet, Lettres à Victor Hugo.
Ta main s’élève en un adieu
Ta main s’élève en un adieu
que je n’ai pas vu retomber.
Nos bouches n’ont pu finir leurs baisers
qui restent entre nous comme un pont coupé
Ton dernier regard est une jetée
pour la vie dont je touche le fond
de toute ma peau sans visage,
de tout le poids de la terre
Bientôt l’espace se mettra entre nous
et nous ne serons plus que deux êtres
en qui dure tout un passé de joie
comme un peu de soleil éclaire encore
les murs qu’il vient de quitter.
Ton corps ne bougera pas plus
qu’une fenêtre allumée dans la nuit
chassée par le vent et la pluie.
Lucien Becker
The Fairy Queen
Eventail de Mademoiselle Mallarmé
Ô rêveuse, pour que je plonge
Au pur délice sans chemin,
Sache, par un subtil mensonge,
Garder mon aile dans ta main.
Une fraîcheur de crépuscule
Te vient à chaque battement
Dont le coup prisonnier recule
L’horizon délicatement.
Vertige ! voici que frissonne
L’espace comme un grand baiser
Qui, fou de naître pour personne,
Ne peut jaillir ni s’apaiser.
Sens-tu le paradis farouche
Ainsi qu’un rire enseveli
Se couler du coin de ta bouche
Au fond de l’unanime pli !
Le sceptre des rivages roses
Stagnants sur les soirs d’or, ce l’est,
Ce blanc vol fermé que tu poses
Contre le feu d’un bracelet.
Stéphane Mallarmé
Jusqu’où peut-on aimer, poursuivre, détenir ?
Jusqu’où peut-on aimer, poursuivre, détenir ?
Quand a-t-on épuisé la quantité des yeux ?
Quand vient l’heure où l’esprit se vante de finir
Ce repas renaissant, intact et captieux ?
Avoir ne donne rien à l’appétit sans terme,
Tout est commencement et dérisoire effort ;
Quel est ce gain léger, cette avance, ce germe,
Tant que tu m’éblouis et que tu n’es pas mort ?
— La concluante mort cependant serait vaine,
J’ai besoin que tu sois quand je ne vivrai plus ;
Je tremble d’emporter dans le froid de mes veines
L’éclat mystérieux par lequel tu m’as plu…
Anna de Noailles
Tout poète
Tout poète est par son essence un émigré.
Un émigré du Royaume des Cieux et du paradis terrestre,de la nature.
Le poète,porte au front une marque d’inconfort.
Un émigré sorti de l’Immortalité pour entrer dans le temps et qui ne peut retourner dans son ciel.
Marina Tsvetaieva
Nuits blanches
Personne… Et le corps dit : ce qui est dit
Ne doit pas être dit. Mais « personne »
Est aussi un corps et ce que dit ce corps
N’est entendu de personne,
Á part toi.
Chute de neige et nuit… La répétition d’un crime,
Parmi les arbres. Le stylo…
Parcourt la surface de la terre ; ne sait plus…
Ce qui va se passer et la main qui le tient
Disparaît.
Pourtant, il écrit,
Il écrit : au commencement, parmi les arbres,
Un corps a émergé
De la nuit,
En marchant. Il écrit :
La blancheur du corps est de couleur terre.
C’est la terre,
Et la terre a écrit que tout…
Est la couleur du silence.
Je n’y suis plus pour personne. Je n’ai jamais dit ce que tu
Prétends que j’ai dit.
Pourtant, le corps
Est un lieu où rien ne meurt. Et chaque nuit,
Du silence des arbres, tu sais que ma voix
Marche vers toi.
Paul Auster
Auto-portrait
Se voir le plus possible…
Se voir le plus possible et s’aimer seulement,
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu’un désir nous trompe, ou qu’un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son cœur à tout moment ;
Respecter sa pensée aussi loin qu’on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d’un songe,
Et dans cette clarté respirer librement –
Ainsi respirait Laure et chantait son amant.
Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
C'est vous, la tête en fleurs, qu’on croirait sans souci,
C’est vous qui me disiez qu’il faut aimer ainsi.
Et c’est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :
Oui, l’on vit autrement, mais c’est ainsi qu’on aime.
Alfred de Musset