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Coups de cœur
La cage
Dehors du soleil.
Ce n’est qu’un soleil
mais les hommes le regardent
et ensuite ils chantent.
Je ne sais rien du soleil.
Je sais la mélodie de l’ange
et le sermon brûlant
du dernier vent.
Je sais crier jusqu’à l’aube
quand la mort se pose nue
sur mon ombre.
Je pleure sous mon nom.
J’agite des mouchoirs dans la nuit
et des bateaux assoiffés de réalité
dansent avec moi.
Je cache des clous
pour maltraiter mes rêves malades.
Dehors, du soleil.
Je m’habille de cendres.
Comme le vent sans ailes enfermé dans mes yeux
tel est l’appel de la mort.
Seul un ange m’enlacera au soleil.
Mais où l’ange,
où sa parole ?
Oh ! perforer de vin la douce nécessité d’être.
Alejandra Pizarnik
On peut donner bien des choses
On peut donner bien des choses à ce que l’on aime. Des paroles, un repos, du plaisir. Tu m’as donné le plus précieux de tout : le manque. Il m’était impossible de me passer de toi, même quand je te voyais tu me manquais encore. »
Christian Bobin
L'été a tout emporté
L'été a tout emporté
ta chevelure entremêlée dans la tempête
notre rendez-vous à une heure
L'été a tout emporté
tes yeux noirs le foulard
la petite église avec la veilleuse
L'été a tout emporté
avec nous deux main dans la main
L'été a tout emporté
les demi-mots effacés
les voiles lacérées des navires
Dans les embruns et les algues
il a tout pris et emporté au loin
les serments qui palpitaient dans le vent
L'été a tout emporté
avec nous deux main dans la main
Odysséas Elytis
Ithaque
Quand tu partiras pour Ithaque,
souhaite que le chemin soit long,
riche en péripéties et en expériences.
Ne crains ni les Lestrygons, ni les Cyclopes,
ni la colère de Neptune.
Tu ne verras rien de pareil sur ta route si tes pensées restent hautes, s
i ton corps et ton âme ne se laissent effleurer
que par des émotions sans bassesse.
Tu ne rencontreras ni les Lestrygons, ni les Cyclopes,
ni le farouche Neptune,
si tu ne les portes pas en toi-même,
si ton cœur ne les dresse pas devant toi.
Souhaite que le chemin soit long,
que nombreux soient les matins d'été,
où (avec quelles délices !) tu pénètreras
dans des ports vus pour la première fois.
Fais escale à des comptoirs phéniciens,
et acquiers de belles marchandises :
nacre et corail, ambre et ébène,
et mille sortes d'entêtants parfums.
Acquiers le plus possible de ces entêtants parfums.
Visite de nombreuses cités égyptiennes,
et instruis-toi avidement auprès de leurs sages.
Garde sans cesse Ithaque présente à ton esprit.
Ton but final est d'y parvenir,
mais n'écourte pas ton voyage :
mieux vaut qu'il dure de longues années,
et que tu abordes enfin dans ton île aux jours de ta vieillesse,
riche de tout ce que tu as gagné en chemin,
sans attendre qu'Ithaque t'enrichisse.
Ithaque t'a donné le beau voyage :
sans elle, tu ne te serais pas mis en route.
Elle n'a plus rien d'autre à te donner.
Même si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t'a pas trompé.
Sage comme tu l'es devenu à la suite de tant d'expériences,
tu as enfin compris ce que signifient les Ithaques.
Constantin Cavafy
Traduction de Marguerite Yourcenar
En un mot, la poésie
En un mot, la poésie ne peut exister sans l’émotion, ou, si l’on veut, sans un mouvement de l’âme qui règle celui des paroles.
Paul Claudel
Frôler tes seins
Je ne sais quel sens donner à ce désir,
A cette envie qui me brûle les sens.
Je te regarde, habité d’un tendre plaisir.
Mes rêves te mirent avec élégance.
Ta douceur, ton égard, ta gentillesse,
Tant de choses en toi sont liesse.
Nos âges ne peuvent plus trop rêver,
Mais quel bonheur d’être à tes côtés.
Mes yeux te caressent avec douceur,
Mon cœur palpite au désir de caresser,
De frôler tes seins avec sensualité,
De vivre cet instant de bonheur.
Un jour peut-être caresses se feront,
En rêve certes elles font légion,
Point je n’ose laisser errer de désir mes doigts,
Car bienséance pourrait faire loi.
Robert Derom
Piangerò la sorte mia
Soir
Les enfants qui jouent au crépuscule printanier
- une rumeur lointaine - ,
la brise qui avec les lèvres des roses
chuchote et persiste,
Les fenêtres ouvertes qui exhalent les heures,
ma chambre vide,
un train qui arrive d'une contrée inconnue,
mes rêves perdus,
Les cloches qui s'éclipsent, le soir qui tombe
sans cesse sur la ville,
dans le regard des hommes, au miroir du ciel,
et maintenant dans toute ma vie...
Kostas Karyotakis
Je vous aime, pas d’un amour de vacances
Je vous aime, pas d’un amour de vacances, d’un amour d’un instant, d’un grand amour dont je veux les tristesses comme les joies, d’un amour où je suis engagée corps et âme, si lourd, si précieux que parfois j’en ai le souffle coupé.
— Simone de Beauvoir, Correspondance croisée avec Jacques-Laurent Bost écrit en 2004