Les mots il suffit
Les mots il suffit qu'on les aime pour écrire un poème.
Raymond Queneau
Coups de cœur
Les mots il suffit qu'on les aime pour écrire un poème.
Raymond Queneau
Il y a
des brassées d'étoiles dans nos bras,
des poignées de rêves dans nos poings,
de la poussière d'ange à tes paupières,
du rouge d'amante à tes joues,
de l'imprévu toujours,
de l'inconnu n'importe où ,
des rendez-vous partout,
et puis encore le souffle au large,
et puis encore la fièvre au front,
et puis encore l'amour sans fin.
André Velter
Les matins sont plus doux,
Les noix brunissent,
La joue des baies se fait plus ronde,
La rose est en voyage.
L’érable porte un foulard plus joyeux,
Et la prairie une robe écarlate.
Pour ne pas être démodée
Je mettrai un bijou.
Emily Dickinson
Oh ! mon Dieu, il était évident qu'elle pouvait sentir à quel point elle était en train de me rendre fou. Je ne savais pas où tout ça nous menait, mais ça me plaisait. Ça me faisait peur aussi, parce que c'était comme si elle me consumait, je me sentais submergé par mon envie d'elle.
Jasinda Wilder, Nous succomber
Tous les visages de mon visage
je les affiche sans faillir
ils sont l’intranquillité sur ma table
voûtes d’échos, masques
aux parois de la grotte
ils disent mes morts
jusqu’à l’ultime qui viendra
comme les autres
bâtons d’aveugle
tous les visages de mon visage
épinglent le sourire, les larmes
leurs trésors sont - indocile limon
roses plantées des mots
depuis le fond de mes âges
tous les visages de mon visage
disent la même aventure
comment encore aimer, parler
quand la bouche soudain défaille
que s’agenouille le oui sur les lèvres
tous les visages de mon visage
ne sont pas encore mon visage
mon visage cherche
son visage perdu
Sylvie G. Fabre
Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui !
Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n’avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.
Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l’espace infligée à l’oiseau qui le nie,
Mais non l’horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s’immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l’exil inutile le Cygne.
Stéphane Mallarmé
Elle ne gémit pas, ne dit rien, mais les doigts qui s’étaient refermés sur son mamelon droit et le pinçaient hâtèrent peut-être son mouvement suivant, et Juan put deviner, interpréter sans peine les intentions de Charo quand elle changea d’objectif, détacha sa tête de la sienne pour plonger sans aucune transition vers son ventre, et ses lèvres […] parcouraient maintenant toute la longueur de sa bite dressée pour lui donner un plaisir croissant, connu, qu’il pouvait encore contrôler, mais, à certain moment, proche de la fin, il se força à ouvrir les yeux et, dans la pénombre trompeuse de l’obscurité partielle, […] il vit la chevelure noire et luisante qui se répandait sur son jean, il sut alors avec certitude qui il était, qui était Charo…
Almudena Grandes, Vents contraires.
Je peux écrire les vers les plus tristes ce soir.
Écrivez, par exemple: «La nuit est étoilée,
et les étoiles tremblent au loin, bleues. "
Le vent nocturne tourne dans le ciel et chante.
Je peux écrire les vers les plus tristes ce soir.
Je l'aimais et parfois elle m'aimait aussi.
Des nuits comme celle-ci, je la tenais dans mes bras.
Je l'ai embrassée tant de fois sous le ciel infini.
Elle m'aimait, parfois je l'aimais aussi.
Comment ne pas avoir aimé ses grands yeux immobiles.
Je peux écrire les vers les plus tristes ce soir.
Penser que je ne l'ai pas. Sentir que je l'ai perdue.
Écoutez la nuit intense, encore plus sans elle.
Et le verset tombe à l'âme comme la rosée sur l'herbe.
Est-il important que mon amour ne puisse pas le garder.
La nuit est pleine d'étoiles et elle n'est pas avec moi.
C'est tout. Au loin, quelqu'un chante. Au loin.
Mon âme ne se contente pas de l'avoir perdue.
Comme pour la rapprocher, mon regard la cherche.
Mon cœur la cherche et elle n'est pas avec moi.
La même nuit blanchissant les mêmes arbres.
Nous, les uns alors, ne sommes pas les mêmes.
Je ne l'aime plus, c'est vrai, mais combien je l'aimais.
Ma voix cherchait le vent pour toucher son oreille.
D'autre. Sera d'un autre. Comme avant mes baisers.
Sa voix, son corps brillant. Ses yeux infinis.
Je ne l'aime plus, c'est vrai, mais peut-être que je l'aime.
L'amour est si court et l'oubli est si long.
Parce que des nuits comme celle-ci je la tenais dans mes bras
Mon âme ne se contente pas de l'avoir perdue.
Bien que ce soit la dernière douleur qu'elle me cause,
et ce sont les derniers vers que j'écris.
Pablo Neruda