Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Vertuchou.over-blog.com

Sonnet

22 Mai 2024, 01:15am

Publié par vertuchou

Poète, ne fais pas cas de l’amour populaire ! Le bruit momentané des louanges enthousiastes passera ; tu entendras le jugement du sot et le rire de la froide multitude ; mais toi, reste ferme, tranquille, farouche.

Tu es un roi : vis seul. Par un libre chemin, va où t’entraîne ton libre esprit, perfectionnant sans cesse les fruits de tes pensées favorites, ne demandant pas de récompense pour ton noble exploit.

Elles sont en toi-même : tu es toi-même ton plus haut tribunal ; plus sévèrement que tout autre tu peux apprécier ton travail. En es-tu content, toi, artiste exigeant ?

Tu es content ? Alors laisse la foule le vilipender, laisse-la cracher sur l’autel où ton feu brûle, et avec une pétulance enfantine secouer ton trépied.

Alexandre Pouchkine

 

Voir les commentaires

On s’embrasse longuement

21 Mai 2024, 01:32am

Publié par vertuchou

On s’embrasse longuement contre un mur encore tiède du soleil de la journée, à l’angle d’Aurelio-Saliceti et Mattia-Montecchi. Les paumes de Marya enveloppent mon visage, dans le désordre grandissant de son souffle. Mes mains à moi épousent depuis son front la ligne de ses cheveux, glissent aussi vers ses hanches à la rencontre de quelques hyperboles dont j’éprouve le velouté à travers le tissu léger de sa robe.

Antoine Choplin, Partie italienne.
 

Voir les commentaires

Un poème est une ville

20 Mai 2024, 01:23am

Publié par vertuchou

Un poème est une ville remplie de rues et d’égouts
remplie de saints, de héros, de mendiants, de fous,
remplie de banalité et de bibine,
remplie de pluie et de tonnerre et de périodes de
sécheresse, un poème est une ville en guerre,
un poème est une ville demandant à une horloge pourquoi,
un poème est une ville en feu,
un poème est une ville dans de sales draps
ses boutiques de barbiers remplies d’ivrognes cyniques,
un poème est une ville où Dieu chevauche nu
à travers les rues comme Lady Godiva,
où les chiens aboient la nuit et chassent
le drapeau : un poème est une ville de poètes,
la plupart d’entre eux interchangeables,
envieux et amers…
un poème est cette ville maintenant,
à 80 kilomètres de nulle part,
à 9 h 09 du matin,
le goût de l’alcool et des cigarettes,
pas de police, pas de maîtresses, marchant dans les rues,
ce poème, cette ville, fermant ses portes,
barricadée, presque vide,
mélancolique sans larmes, vieillissante sans pitié,
les montagnes rocheuses,
l’océan comme une flamme lavande,
une lune dénuée de grandeur,
une petite musique venue de fenêtres brisées…

Un poème est une ville, un poème est une nation,
un poème est le monde…
et maintenant je colle ça sous verre
pour que l’éditeur fou l’examine de près,
et la nuit est ailleurs
et les dames grises indistinctes font la queue,
les chiens suivent les chiens vers l’estuaire,
les trompettes font pousser les gibets
tandis que de petits hommes enragent contre des choses
qu’ils n’arrivent pas à faire.


Charles Bukowski

 

Voir les commentaires

Zog nit keynmol

19 Mai 2024, 01:36am

Publié par vertuchou

Voir les commentaires

Aux abeilles

18 Mai 2024, 01:13am

Publié par vertuchou

Voici du romarin, des graines de pavots,
Du trèfle, un plant de thym et des fleurs de pêcher
Et quelques raisins secs sur les pampres nouveaux.
Chères abeilles, c'est pour vous. Que vos travaux
Se poursuivent en paix sous un limpide ciel,
Que le fermier qui construisit votre rucher
Avec Pan, votre ami, savoure votre miel
Et lorsqu'il saisira, entouré de fumées,
Vos beaux rayons, que sa main sage,ô bien aimées,
Vous laisse avant l'hiver, pour prix de tant d'efforts,
Une petite part de vos propres trésors.

Zonas de Sarde
Extrait traduit du grec par Marguerite Yourcenar

Voir les commentaires

La poésie c’est

17 Mai 2024, 01:06am

Publié par vertuchou

La poésie c’est le luxe de l’inaccoutumance, seule l’inertie est menaçante.

Saint-John Perse

Voir les commentaires

Élégie pour Martin Luther King

16 Mai 2024, 01:47am

Publié par vertuchou

Les Blancs et les Noirs, tous les fils de la même terre mère.
Et ils chantaient à plusieurs voix, ils chantaient
Hosanna ! Alléluia !
Comme au Royaume d'Enfance autrefois, quand je rêvais.
Or ils chantaient l'innocence du monde, et ils dansaient la floraison
Dansaient les forces que rythmait, qui rythmaient
Force des Forces : la Justice accordée, qui est
Beauté Bonté.
Et leurs battements de pieds syncopés étaient comme
une symphonie en noir et blanc
Qui pressaient les fleurs écrasaient les grappes, pour
les noces des âmes :
Du Fils unique avec les myriades d'étoiles.
Je vis donc – car je vis – George Washington4 et
Phillis Wheatley, bouche de bronze bleue qui
annonça la liberté – son chant l'a consumée
Et Benjamin Franklin, et le marquis de La Fayette
sous son panache de cristal
Abraham Lincoln qui donna son sang, ainsi qu'une
boisson de vie à l'Amérique
Je vis Booker T. Washington le Patient, et William E.B.
Dubois l'Indomptable qui s'en alla planter sa tombe en Nigritie5
J'entendis la voix blues de Langston Hughes, jeune
comme la trompette d'Armstrong. Me retournant je vis
Près de moi John F. Kennedy, plus beau que le rêve
d'un peuple, et son frère Robert, une armure fine d'acier.
Et je vis – que je chante ! – tous les Justes les Bons,
que le Destin dans son cyclone avait couchés
Et ils furent debout par la voix du poète, tels de
grands arbres élancés
Qui jalonnent la voie, et au milieu d'eux Martin Luther King.
Je chante Malcom X, l'ange rouge de notre nuit
Par les yeux d'Angela chante George Jackson,
fulgurant comme l'Amour sans ailes ni flèches
Non sans tourment. Je chante avec mon frère
La Négritude debout, une main blanche dans sa main
vivante
Je chante l'Amérique transparente, où la lumière est
polyphonie de couleurs
Je chante un paradis de paix.
 
Léopold Sédar Senghor
 

Voir les commentaires

Comptine d'un Autre Été

15 Mai 2024, 01:44am

Publié par vertuchou

Voir les commentaires

Étranger

14 Mai 2024, 01:11am

Publié par vertuchou

! Que signifie ce mot ? Quoi ! Sur ce rocher j’ai moins de droits que dans ce champ !
Quoi ! J’ai passé ce fleuve, ce sentier, cette barrière, cette ligne bleue ou rouge visible seulement sur vos cartes, et les arbres, les fleurs, le soleil, ne me connaissent plus !
Quelle ineptie de prétendre que je suis moins homme sur un point de terre que sur l’autre ! Vous me dites : «Nous sommes chez nous et vous n’êtes pas chez vous !»
– Où ? Ici ? Vous n’avez qu’à creuser une fosse, et vous verrez que la terre m’y recevra tout aussi bien que vous.

Victor Hugo, Choses vues, 1855
 

Voir les commentaires

Tes pieds je les touche dans l’ombre

14 Mai 2024, 01:02am

Publié par vertuchou

Jamais seul, avec toi
sur la terre,
à traverser le feu.
Jamais seul.
Avec toi avec les forêts
à recueillir
la flèche
tuméfiée
de l’aurore,
la tendre mousse
du printemps.
Avec toi dans ma bataille,
non celle que j’ai choisie
mais
la seule.
Avec toi par les rues
et le sable, avec toi
l’amour, la lassitude, le pain, le vin,
la pauvreté et le soleil d’une pièce de monnaie,
les blessures, la peine,
la joie.
Toute la lumière, l’ombre,
les étoiles
tout le blé fauché,
les corolles
du tournesol géant, ployant
sous leur propre richesse, le vol
du cormoran, cloué
au ciel
comme une croix marine,
tout
l’espace, l’automne, les œillets,
jamais seul, avec toi.
Jamais seul, avec toi, terre
Avec toi la mer, la vie,
tout ce que je suis et donne, tout ce que je chante,
cette matière
amour, la terre,
la mer
le pain, la vie.

Pablo Neruda

Voir les commentaires